prouuer, ny meſme conceuoir, qu’il y ait des bornes en la matière dont le monde eſt compoſé. Car, en examinant la nature de cette matiere, ie trouue qu’elle ne conſîſte en autre choſe qu’en ce qu’elle a de l’étenduë en longueur, largeur & profondeur, de façon 5 que tout ce qui a ces trois dimenſions eſt vne partie de cette matiere ; & il ne peut y auoir aucun eſpace entièrement vuide, c’eſt à dire qui ne contienne aucune matiere, à cauſe que nous ne ſçaurions conceuoir vn tel eſpace, que nous ne conceuions en luy ces trois 10 dimenſions, &, par conſequent, de la matiere. Or, en ſuppoſant le monde finy, on imagine au delà | de ſes bornes quelques eſpaces qui ont leur trois dimenſions, & ainſi qui ne ſont pas purement imaginaires, comme les Philoſophes les nomment, mais qui contiennent 15 en ſoy de la matirre, laquelle, ne pouuant eſtre ailleurs que dans le monde, fait voir que le monde s’étend au delà des bornes qu’on auoit voulu luy attribuer. N’ayant donc aucune raiſon pour prouuer, & meſme ne pouuant conceuoir que le monde ait des 20 bornes, ie le nomme indefîny. Mais ie ne puis nier pour cela qu’il n’en ait peut-eſtre quelques-vnes qui ſont connuës de Dieu, bien qu’elles me ſoient incomprehenſibles : c’eſt pourquoy ie ne dis pas abſolument qu’il eſt infiny. 25
Lors que ſon étenduë efſt conſiderée en cette ſorte, ſi on la compare auec ſa durée, il me ſemble qu’elle donne ſeulement ocaſion de penſer qu’il n’y a point de temps imaginable, auant la creation du monde, auquel Dieu n’euſt pû le créer, s’il euſt voulu ; & qu’on 30 n’a point ſuiet pour cela de conclure qu’il l’a verita-