Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/99

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la prendre occaſion de baſtir quelque Philoſophie extrauagante ſur ce qu’ils croyront eſtre mes principes, & qu’on m’en attribue la faute. Car, pour les opinions qui ſont toutes mienes, ie ne les excuſe point comme nouuelles, d’autant que, ſi on en conſidere bien les raiſons, ie m’aſſure qu’on les trouuera ſi ſimples, & ſi conformes au ſens commun, qu’elles ſembleront moins extraordinaires, & moins eſtranges, qu’aucunes autres qu’on puiſſe auoir ſur meſmes ſuiets. Et ie ne me vante point auſſy d’eſtre le premier Inuenteur d’aucunes, mais bien, que ie ne les ay iamais receuës, ny pource qu’elles auoient eſté dites par d’autres, ny pource qu’elles ne l’auoient point eſté, mais ſeulement pource que la raiſon me les a perſuadées.

Que ſi les artiſans ne peuuent ſi toſt executer l’inuention qui eſt expliquée en la Dioptrique, ie ne croy pas qu’on puiſſe dire, pour cela, qu’elle ſoit mauuaiſe : car, d’autant qu’il faut de l’adreſſe & de l’habitude, pour faire & pour aiuſter les machines que i’ay deſcrites, ſans qu’il y manque aucune circonſtance, ie ne m’eſtonnerois pas moins, s’ils rencontroient du premier coup, que ſi quelqu’vn pouuoit apprendre, en vn iour, a iouer du luth excellemment, par cela ſeul qu’on luy auroit donné de la tablature qui ſeroit bonne. Et ſi i’eſcris en François, qui eſt la langue de mon païs, plutoſt qu’en Latin, qui eſt celle de mes Precepteurs, c’eſt a cauſe que i’eſpere que ceux qui ne ſe ſeruent que de leur raiſon naturelle toute pure, iugeront mieux de mes opinions, que ceux qui ne croyent qu’aux liures anciens. Et pour ceux qui ioignent le bon ſens auec l’eſtude, leſquels ſeuls ie ſouhaite pour