Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, X.djvu/634

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022 Correspondance.

entière, & je ne peux croire qu' ayant autrefois pris la peine de respondre à des objections de personnes du commun entre les hommes, en des matières moins importantes, vous refusiez d'entrer en esclaircissement auec une Reine, qui ne vous doit point faire peur comme l'Empereur Adrian au 5 Philosophe Phauorin, pour auoir tant d'armées sur pied, mais dont l'esprit, la generosité & la bonté meritent que tous les hommes qui viuent s'estiment estre ses sujects.

Cependant, Monsieur, il faut que je vous aduertisse, que je suis d'humeur à vouloir trouuer mon compte dans toutes 10 les affaires qui passent par mes mains ; & me persuadant que je vous rendray un office, lorsque je feray voir a la Reine vostre response à sa difficulté, je demande que vous reconnoissiez, s'il vous plaist, mon entremise par quelque libéralité ; & afin que vous ne soyez pas en peine de cher- 15 cher un present qui m'adjuste, je vous diray librement ce que je souhaitterois.

Je ne vois point claireinent, quelle est cette impulsion secrette, qui nous porte dans l'amitié d'une personne, plu- stost que d'un autre, auparauant mesme que d'en connoisre 20 le mente; & bien qu'il me semble que je ne sçay quelle opinion confuse de la bonté de l'object qui nous attire, en puisse estre la cause, ma difficulté reste, en ce que, <comme> je ne connois pas distinctement quelles marques & quels signes nous preuiennent de cette opinion, je doute si cette 25 alliance cachée a son origine dans le corps ou dans l'esprit : si c'est du corps qu'elle naist, je la voudrois mieux con- noisîre que par ces termes généraux de simpatie & anti- patie, auec lesquels nos philosophes de l'Escole couurent leur ignorance ; & si cet attrait d'amitié sort de la disposi- 30 tion de nos mes en leur propre subjstance, quoy qu'il me

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