règne de Louis XIV. Descartes était fortement suspect : n’avait-il pas été condamné à Rome ? Le pieux biographe s’applique manifestement à le réhabiliter, et à présenter son philosophe comme un bon catholique, croyant et pratiquant, dont il exagérerait plutôt la religion. Il en dit trop à cet égard, et les protestants réfugiés en Hollande n’ont point manqué d’en faire la remarque : M. Baillet, ont-ils dit, a fait de Descartes « presqu’un dévot[1] ».
On ne trouvera plus ici, cela va sans dire, les mêmes préoccupations, et tous nos efforts tendront à restituer (si cela est possible) un Descartes historiquement vrai. La principale différence entre l’œuvre de Baillet et la nôtre sera dans l’esprit général qui anime chacune d’elles. Mais les grandes lignes restent à peu près les mêmes, et de nombreux détails se trouvent confirmés, avec d’autres qui s’y ajoutent, grâce à une documentation nouvelle.
Celle-ci consiste d’abord dans des pièces d’archives, publiques et privées, notamment sur la famille de Descartes : bon nombre ont été découvertes et publiées, ces cinquante dernières années, par des érudits de Touraine, de Poitou, de Bretagne. Quelques-unes ont été recueillies en Hollande. On les trouvera, chacune à sa place, avec l’indication de leur provenance. Puis nous avions la correspondance complète (ou peu s’en faut) du philosophe, et surtout rétablie dans l’ordre chro-
- ↑ Le propos se trouve, Histoire des Ouvrages des Savans. juin 1693, art. I, p. 540 (3e édit.). Clerselier, d’ailleurs, était dans les mêmes sentiments ; lorsqu’il mourut à Paris, le 13 avril 1684 (à l’âge de soixante-dix ans, étant né le 21 mars 1614), les Nouvelles de la République des Lettres, juin 1684, crurent devoir mentionner spécialement sa piété : on ne croyait pas « qu’il y eut aucun bourgeois de Paris qui allât plus souvent à la messe ».