Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/311

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avec mandat de les communiquer, non seulement à Mydorge et Hardy, ses deux seconds, mais à d’autres encore, tel que Desargues, et même à quiconque désirerait en prendre connaissance[1]. Mersenne, d’ailleurs, comme nous le connaissons, n’était pas homme à rien garder pour lui. Plus tard, Descartes refit lui-même, par deux fois, et la seconde, d’une façon qui n’avait rien de flatteur pour Roberval, l’historique de toute l’affaire, dans des lettres manifestement écrites aussi pour être montrées[2]. Par contre, quelle fut l’attitude et la conduite de Roberval ? Mersenne aussitôt mort, le 1er  septembre 1648, il pénétra dans la cellule du religieux, dont il devait publier un écrit posthume, fit main basse sur les lettres que celui-ci avait reçues, et les emporta. Plus tard, après la mort de Descartes, lorsque Clerselier s’occupa de réunir, en vue d’une publication, la correspondance du philosophe, il ne manqua pas de s’adresser à Roberval, qu’on savait en possession du précieux dépôt, par suite de son larcin ; il lui demanda de lui confier les lettres de Descartes. Roberval refusa obstinément, et Clerselier dut publier une bonne partie de la correspondance d’après les minutes que Descartes avait conservées, et qui furent retrouvées dans ses papiers[3]. Par bonheur, Roberval ne détruisit point les lettres mêmes du philosophe ; sa rancune n’alla pas jusque-là, et quand il mourut, en 1675, elles furent remises au mathématicien La Hire, qui en fit présent à l’Académie des Sciences[4]. Mais le refus obstiné qu’avait opposé Roberval d’en donner communication, sa vie durant, n’est-il pas une présomption contre lui ? De même que nous avons aussi une présomption en faveur de Descartes, ne, demandant qu’à laisser voir ses lettres à tout le monde, et loin de redouter la lumière, la désirant, la réclamant pleine et entière. Ne semble-t-il pas que Descartes n’avait rien à y perdre, mais Roberval rien à y gagner ?

  1. Tome II, p. 16, l. 4, à p. 17, l. 7 : p. 22, l. 12-19 : p. 27-28.
  2. Ibid., p. 320-326, et t. IV, p. 549-551.
  3. Tome I, p. xxxvii-viii. Surtout t. V, p. 649-650.
  4. Tome I, p. xlvi.