excellent juge, s’il en fût. Personne n’était entré davantage dans la pensée du philosophe. Non seulement, il était d’accord avec lui sur l’utilité de la géométrie, qui doit toujours avoir un usage pratique, soit pour les lunettes, ce qui était le cas de l’ellipse et de l’hyperbole, soit (comme ce devait être le cas de ses lignes courbes) pour expliquer, par exemple, les relations entre des sons ou bien entre les vitesses de chute des corps. Mais surtout il envisageait, lui aussi, une « science des proportions », qui comprît toutes les recherches de géométrie et d’arithmétique, une « science de rapports » qui considère ceux-ci universellement, aussi bien entre les lignes commensurables et incommensurables[1]. Enfin, et ceci est à noter dans l’histoire des mathématiques, les lignes de Debeaune donnaient le premier exemple du problème inverse des tangentes, qui consistait à trouver non pas seulement la la tangente d’une courbe, mais cette courbe elle-même en connaissant d’abord la tangente[2] : précieuse ouverture sur le calcul intégral après le calcul différentiel, extension capitale de la méthode cartésienne.
Telles sont, résumées à grand traits, les principales questions que, pendant plus de deux ans. Descartes eut à débattre avec les mathématiciens de France. Nous ne pouvons nous prononcer ici sur le fond même du débat : c’est affaire aux historiens des sciences mathématiques, qui voudront en prendre la peine. Nous n’avons voulu que donner un fil conducteur, qui permît de suivre chaque question en particulier au milieu de l’enchevêtrement général. Nous ne nous prononcerons même pas sur le fond de la querelle entre Descartes et Roberval. Toutefois, à ce sujet, une remarque s’impose. Descartes ne craignait point qu’on mît au jour ses moindres faits et gestes et ceux de son adversaire. A deux reprises il envoie à Mersenne la liste complète de ce qu’il appelle les pièces du procès,