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Affaire d'Utrecht. jjj

avait accepté une besogne, dont ni Voët père ni Voët fils, ni personne à Utrecht ne se souciait : il prêtait sa plume et son nom à une œuvre de vengeance encore plus que de défense personnelle, et se trouvait engagé dans une querelle, dont il pourrait malaisément se tirer à son honneur.

Descartes, qui avait des amis à Utrecht, fut averti par eux, au moins en partie, de ce qui se tramait. Surtout on ne manqua pas de lui faire tenir, au fur et à mesure, les bonnes feuilles de l'ouvrage en cours d'impression ; il fallut pour cela sans doute la complaisance de l'imprimeur, Jean van Waes- berge. Les six premières feuilles que notre philosophe reçut, étaient bien de nature à l'inquiéter. Rien que le titre semblait mis à dessein pour donner le change aux lecteurs : Admiranda Methodus sive Philosophia Cartesiana ; et en haut de chaque page, ces deux mots reproduits, Philosophia Cartesiana '\ Qu'était-ce donc, à première vue, sinon la philosophie de Descartes, celle qu'il avait promise dès lôSy, et qu'il venait d'annoncer en 1642, celle enfin qui était impatiemment attendue de tous ceux qui le connaissaient ? On pouvait d'au- tant mieux s'y méprendre, que l'ouvrage ne portait aucun nom d'auteur ; Descartes s'était nonmé dans son récent ouvrage des Méditations ; mais le Discours de la Méthode en lôSy était anonyme, et on pouvait croire que sa philosophie le serait également ; d'ailleurs l'épithète ne levait-elle pas le voile ? Cartesiana. A vrai dire, la lecture de quelques pages suffisait à détromper : elles indiquaient, sans aucun doute pos- sible, un pamphlet contre la philosophie de Descartes. Mais celui-ci ne vit là qu'une manœuvre d'autant plus dangereuse ; on attaquait sa philosophie, on prétendait la réfuter, lors- qu'elle n'était pas encore publiée; on voulait donc l'étoufFer avant sa naissance. Il prit aussitôt ses mesures, pour que, le jour même où paraîtrait ce pamphlet, il en parût une réfuta- tion. Le mauvais effet en serait ainsi conjuré, puisqu'à

a. Tome VIII (2« partie), p. i : Epijtola Renati des Cartes ad Celeber- rimum Virum Gifbertum Voelium.

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