41 8 Vie de Descartes.
de lui, tout près de lui, comme trois cercles de plus en plus larges de devoirs réels à accomplir dans sa vie qui ne devient vraiment humaine qu'en revêtant un caractère moral et social.
Contre cette morale de Descartes, les objections vinrent aussitôt à l'esprit d'Elisabeth, objections surtout théologi- ques ^. Si les deux vérités métaphysiques, Dieu et l'âme, ont l'évidence des vérités mathématiques, et ne sont plus enve- loppées de mystère, d'abord l'homme n'est-il pas vraiment accablé de la grandeur de Dieu et comme réduit à néant ? L'omnipotence et l'omniscience divine ne rendent-elles pas inconcevable et impossible Ja liberté humaine ? Ensuite, si l'âme est distincte du corps au point d'avoir ses fonctions propres, ses joies propres, auxquelles celui-ci est plutôt un obstacle, que ne se délivre-t-elle au plus tôt de ce corps de mort, afin de jouir de la vie spirituelle dans toute sa plénitude et sa pureté ? Un anéantissement complet de l'homme en Dieu, et de la vie présente dans la vie future, c'est-à-dire un absolu mysticisme, tel serait l'aboutissant logique d'une méta- physique aussi sûre d'elle-même; et Elisabeth avait à la fois l'esprit trop clairvoyant et le cœur trop haut placé, pour ne pas signaler à Descartes cette inévitable conséquence.
Mais Descartes n'admet pas que sa métaphysique aboutisse à ces sublimes folies, et il se sauve encore une fois en invoquant l'expérience. Chacun de nous n'expérimente-t-il pas en lui-même qu'il est libre, tout en sachant bien que Dieu est omniscient et omnipotent, et que ses décrets sont immuables î Ne soyez pas libre, si bon vous semble, avait-il dit déjà à Gassend; quant à moi... A cette boutade il ajoute maintenant une comparaison, qui ne vaut guère mieux, celle des duels S interdits comme on sait en France sous Louis XIIL Deux gentilshommes sont ennemis jurés ; le roi le sait, et leur donne cependant des ordres qui doivent amener entre eux une rencontre, et provoquer par suite un défi ; ils se battront sùre-
a. Tome IV, p. 3o2, I. 5, à p. 3o3, 1. i6.
b. Ibid., p. 3i3, 1. 9, à p. 317, 1. 17. Voir ci-avant, p. i33, note *.
c. Ibid., p. 352, 1. 28, à p. 354, 1. 14.
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