426 Vie de Descartes.
dans leur dernier entretien, le philosophe et la princesse convinrent de prendre comme sujet de correspondance le livre de Machiavel, Il principe, de même qu'ils avaient ciioisi d'abord le De Vitâ Beatâ de Sénèque. N'y a-t-il pas là encore un rapprochement qui donne à penser ? Ou bien n'y faut-il voir que la suite naturelle d'un dessein prémédité ? Etudier les devoirs de la vie civile, après ceux de la vie particulière : après la morale, la politique".
Les réflexions de Descartes et d'Elisabeth sur Machiavel sont telles qu'on pouvait les attendre d'esprits philosophiques, mais qui ont le souci des réalités. L'un et l'autre réprouvent, en principe, des maximes et des pratiques si contraires à la morale ; l'un et l'autre comprennent cependant qu'en certains cas, en certaines circonstances, un tyran qui s'empare du pou- voir, soit amené, pour s'y maintenir, à une série d'actes que sa situation commande. La violence appelle la violence, le men- songe engendre le mensonge, le mal ne produit que le mal ; et c'est pourquoi dès l'origine mieux vaut l'éviter. Mais le philo- sophe et la princesse abandonnent vite Machiavel, pour ne s'occuper que du présent et de l'avenir de la maison palatine.
Nous avons dit qu'Elisabeth projeta, en 1647, d'accompa- gner en Suède la reine-mère, veuve de Gustave-Adolphe, et de se rendre à la cour de Stockholm. Descartes conseilla for- tement ce voyage ; lui-même, dans des lettres qu'il écrivit alors à notre résident en ce pays, Chanut, prépara les voies, en faisant l'éloge d'Elisabeth, Mais la reine Christine ne parut pas se soucier de voir cette princesse, et fit manquer le voyage par des procédés que ressentît vivement celle-ci, et que Descartes lui-même ne put se refuser de blâmer, malgré tout son respect pour une tête couronnée.
Un peu plus tard, il eut l'occasion d'intervenir encore dans deux circonstances mémorables. La paix de Westphalie, qui
a. Tome IV, p. 486-493 : sept. 1646. Voir aussi p. 493-494. Réponse d'Elisabeth, 10 oct. : p. 519-524. Descartes y revient, p. 53i, 1. 9-20. Mais déjà, p. 405-406 : du 25 avril 1646.
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