428 Vie de Descartes.
On se demande, toutefois, si quelques paroles, mais parties du cœur, fussent-elles semblables à ce qui se dit communément en pareil cas, n'auraient pas autrement consolé que les consi- dérations même les plus raisonnables. Pourtant un prédicateur, dans une oraison funèbre, prononce parfois aussi du haut de la chaire, à son point de vue théologique, des discours bien inhumains ; et on n'en est pas toujours scandalisé. Descartes se transporte de même à des hauteurs 'métaphysiques ; il dépouille le fait de tout ce qui en fait l'horreur pour les sens, et ne retient que ce qui est à la louange de la royale victime. Ce roi méritait mieux aussi qu'un éloge ordinaire, lui qui, le matin de sa mort, avait voulu qu'on le parât «comme » un marié » : bas de soie et souliers à boucles d'or, culotte et pourpoint de velours noir, manchettes au petit-pli et col en point de Gênes, les cheveux bouclés et parfumés. C'est ainsi que, superbe d'élégance et de fierté, la tête haute, et d'un pas de promenade, Charles I" avait marché à l'échafaud^.
Une chose en tout cas est indéniable : c'est l'intérêt que Descartes porte à Elisabeth, et le zèle qu'il témoigne en ce qui la regarde. Jamais il ne l'oublie, quand il écrit en Suède; et à peine arrivé à Stockholm, dès la première audience que lui accorde la reine, il s'empresse de l'entretenir de la princesse palatine".
Chanut ne se trompait donc pas, lorsque, faisant part à Elisabeth de la mort du philosophe, il assura que, si celui-ci avait eu le temps de se reconnaître, il aurait eu pour elle une dernière parole de respect". En fidèle exécuteur testamentaire, Chanut mit à part, comme un trésor, les brouillons des lettres à Elisabeth et les réponses de celle-ci. Il aurait bien voulu conserver ces dernières et les publier ; il en demanda la
a. Eugène Dekrance, L'esprit mystique de la Révolution d'Angleterre, d'après les mémoires d'un serviteur, sir Thomas Herbert, sur les der- niers moments du roi. (Mercure de France, 16 nov. 1909, p. 284-292.)
b. Tome V, p. 429-480 : du 9 oct. 1649.
c. Ibid., p. 474. Et pour ce qui suit, p. 471-475 ; lettres du 19 et du 22 févr. i65o.
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