Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/81

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C’était un grand détour ; mais il voulait éviter le trajet direct par le Palatinat et la Bavière : on était à la veille de la guerre de Trente ans, et les mouvements de troupes en ces parages rendaient les routes peu sûres. Toutefois, au dernier moment, il parait s’être ravisé, et avoir pris quand même le chemin le plus court. Nous savons en effet par lui, qu’il se trouva en Allemagne pour les fêtes du couronnement de l’empereur Ferdinand[1] : ces fêtes eurent lieu à Francfort, du 20 juillet au 9 septembre 1619. Or, du mois d’avril au mois d’août, aurait-il eu le temps de faire ce long voyage de Danemark, Pologne, Hongrie, etc. ?

Après le couronnement, il s’arrêta l’hiver en un quartier, où loin de toute distraction et même de toute conversation, enfermé comme il dit dans un poèle[2], (c’est-à-dire la chambre la mieux chauffée, où l’on se tenait dans les maisons allemandes), ses idées se fixèrent définitivement. Quel est exactement l’endroit ? On n’en sait rien. Aux environs d’Ulm peut-être, et dans quelque village, plutôt qu’à Ulm même. Cette grande ville se trouvait sur la route qui va de Francfort à Vienne : ville impériale, et place d’armes de premier ordre, avec une école d’ingénieurs, donc un centre d’études mathématiques, lesquelles, en effet, sont nécessaires pour les fortifications et l’art de dresser un camp. C’est d’Ulm que nous viennent les mathématiciens, disait-on dans les Universités de Leipzig et de Wittemberg : d’Ulm, et aussi de la cité voisine et rivale, Nuremberg[3]. Justement en ces années deux noms brillaient d’un certain éclat : Peter Roth ou Roten à Nuremberg, et Johann Faulhaber à Ulm. Descartes les cite l’un et l’autre, dans son Parnassus,

    » progreſſus, Pomeraniam, Marchionatum Brandeburgenſem, Megapolin, Holſatiam, Daniam inviſit, & ex eâ in Bataviam ſolvens, per Belgium & Germaniam in Italiam conceſſit, perque eam rurſus in Galliam remeans Lutetiam Pariſiorum ſeſe contulit, ibique per integrum triennium commoratus… » (Specimina, p. 80.)

  1. Tome VI, p. 11, l. 4-7. Voir aussi Baillet, t. I, p. 54-59.
  2. Ibid., p. 11, l. 10-11.
  3. c. Ulmenses sunt Mathematici, dicton cité par L. F. Ofterdinger, p. 3 de son opuscule : Beiträge zur Geschichte der Mathematik in Ulm bis zur Mitte des XVIIten Jahr. (Ulm, 1867, s. 12.)