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Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/252

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MARCELINE DESBORDES-VALMORE

lontiers appelé son seigneur et maître ou son tyran. Mais ces travers ne sont pas davantage inhérents à la carrière dramatique et il eût porté dans toute autre que celle-là son effroi du chômage, des dettes, de la misère pour les siens. Et Marceline le sent bien, quand elle le conjure de ménager ses forces dont il a tant besoin, « pauvre ouvrier à la journée » !

Mot adorable de cette prolétaire de lettres, à ce prolétaire de théâtre !

Une seule fois, on prend Valmore en flagrant délit de jactance. Il se donne, sinon le pli, le coup de fer professionnel, qui s’effacera vite, mais qui trahit fugitivement l’éternel Don Juan, c’est-à-dire l’acteur, quels que soient son âge, son emploi et son physique.

Étant à Lyon, âgé de 47 ans, il éprouve tout à coup le singulier besoin d’avouer à sa femme qu’il l’a trompée quelquefois ! Elle a 54 ans… ; et sa réponse à cette révélation superflue est comme d’une mère à son grand fils :

Par quel miracle aurais-tu échappé aux entraînements de l’âge et de la profession ? Ils n’ont pas rompu l’inviolabilité de nos liens, c’est l’important. Ne soyons pas plus austère que les bons prêtres qui relèvent et embrassent leurs enfants de retour… Je n’en veux à personne de t’avoir trouvé aimable, mon cher mari. N’avaient-elles pas à me pardonner d’être ta femme et, franchement, de ne pas mériter un tel bonheur.