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LA MÈRE

Quelle plus pure absolution tomba jamais des lèvres de Baucis ?

En fait, elle était un peu responsable de cet accès de suffisance. Elle avait trop gâté, trop excusé, trop adoré le cher mari. Elle l’avait mis tout de suite sur un piédestal, et il y restait, embarrassé parfois de son personnage. Dix ans après leur mariage, elle lui écrit, à propos d’un fashionable qu’elle a rencontré :

Ah ! qu’ils sont loin, tous ces beaux, de ta grâce romaine, non, grecque, toute pure, et mieux, s’il est possible. N’es-tu pas dans ce délicieux tableau des Bergers du Poussin ? Tu ferais faire des élégies au milieu des landes !


Valmore ne s’était pas contenté d’être beau ; il avait voulu (et qui l’en blâmerait ?) conformer sa vie intérieure aux modèles qu’il incarnait dans les pièces classiques. Il s’efforçait d’être romain en tout. Chaque jour, il faisait son examen de conscience et « ne se pardonnait rien ».

« À force d’être rigide avec toi-même, lui disait-elle, tu ne crois pas assez que les autres t’aiment, et t’aiment, et t’aiment ! sois liant, sois sans crainte… » Et encore, avec une indicible mélancolie :


Tu te pardonneras à la fin d’avoir valu mieux qu’un autre, et tu ne te feras plus un crime de quelques erreurs inévitables avec la société comme elle est faite.