Page:Deschamps, Émile - Œuvres complètes, t3, 1873.djvu/17

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et rabaisser sa hauteur, tant mieux ! tant mieux pour l’art et pour le Cromwell lui-même. Les discussions animées font la vie des Lettres et la célébrité des ouvrages supérieurs. Nous ne pouvons ici éclairer suffisamment aucun point de cette grande discussion. Le temps et l’espace nous manquent pour constater les effets actuels et l’avenir certain d’une œuvre qui doit faire époque.

Nous dirons cependant que la préface dont M. Victor Hugo a fortifié son drame serait, à elle seule, un des livres les plus remarquables du temps ; que lors même que certains esprits n’en adopteraient pas toutes les doctrines, telles, par exemple, que la nécessité du grotesque mêlé au tragique dans le drame moderne (question qui nous paraît affirmativement et définitivement jugée, surtout depuis les représentations du théâtre anglais), il leur serait impossible de ne pas reconnaître combien de vérités grandes et neuves ressortent d’un système dont ils combattraient le principe ; que d’ailleurs il y a quelque chose de plus fort et de plus beau que tous les systèmes, c’est le talent, et que le talent surabonde dans cette préface, où la critique est si éloquente, la plaisanterie si vigoureuse, la raison si spirituelle et si poétique ! Arrivant au drame même, nous ferons d’abord remarquer que, sous cette désignation, il ne faut pas chercher ici cette espèce de tragédie boutgeoise ou de comédie larmoyante, genre bâtard, qui a quelquefois l’intérêt et toujours le destin des romans vulgaires : M. Victor Hugo a employé le mot drame dans sa primitive acception, et seulement comme l’expression générique d’une action combinée pour la scène. Nous ferons observer ensuite que si le Cromwell, tel qu’il est, dépasse de beaucoup les limites d’une œuvre théâtrale, il serait facile à son auteur, dans le cas où la censure en reconnaîtrait le peu d’inconvénient politique, d’en extraire, ainsi qu’il le dit lui-même, une pièce qui n’occuperait que la durée d’une représentation, mais qui l’occuperait tout entière, comme le Mariage de Figaro. C’est dans le désespoir d’être jamais représenté que M. Victor Hugo s’est laissé aller aux fantaisies de la composition