Page:Deschamps - Études françaises et étrangères, 1831, 5e éd.djvu/33

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vulgaires en France > nulle part les individus ne sont plus distingués. Nos poètes et nos artistes doivent donc s’attacher uniquement à plaire aux esprits d’élite ; c’est même le plus sûr moyen d’avoir un peu plus tôt ou un peu plus tard le succès populaire : car la pensée de quelques hommes supérieurs finit toujours par être celle de la foule.

La poésie, repoussée des salons, va encore se briser, comme sur un écueil, contre le stoïcisme des têtes exclusivement philosophiques ou politiques. Elle était trop forte là-bas ; ici elle paraît trop futile. Il y a erreur ou distraction des deux côtés ; car la poésie, qui est d’origine céleste, ne peut pas avoir tort. Plusieurs causes ont contribué de nos jours au peu d’attention que font aux vers les hommes d’une littérature très-grave. D’abord, la véritable poésie du 19e siècle a fait invasion en France par la prose. M. de Chateaubriand et madame de Staël ont été les premiers poètes de l’époque. Beaucoup de gens s’en sont contentés ; on se contenterait à moins. Et puis, il faut avouer que les poèmes de l’école Delillienne, et, plus tard, les vers de l’empire, quelques bien faits qu’ils fussent, étaient surtout bien faits pour décourager de la poésie française !… Les hommes forts et pensans n’ont pas pu écouter long-temps tout ce ramage ; et ils se sont