Page:Deschamps - Études françaises et étrangères, 1831, 5e éd.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxviii

La France est la nation la plus dramatique de l’Europe. Aucun peuple d’aucun temps ne peut lui disputer la palme de la comédie. C’est faire injure à Molière que de le nommer le premier poète comique du monde ; on doit dire : le seul, tant il est au-dessus de tous. Sans doute, Shakspeare est le plus grand génie tragique des temps modernes, et les maîtres de notre scène sont loin de l’égaler pour la création des caractères, l’invention des fables, le langage de la passion et la poésie de style ; mais il faut considérer qu’après Shakspeare, l’Angleterre n’a plus rien de vraiment grand, tandis que notre théâtre tragique a été constamment illustré, pendant deux siècles, par une succession non interrompue de poètes du premier ordre ; ce qui rend la Melpomène française bien plus imposante et bien plus complète. Il faut considérer aussi que les belles proportions et la régularité imposées à notre tragédie par les auteurs de Cinna et d'Andromoque lui donnent une physionomie à part, au milieu des littératures contemporaines. Nous examinerons plus loin si cet avantage n’a pas été payé depuis trop chèrement, en nous privant d’un grand nombre de ressorts dramatiques. Toujours est-il vrai, que si les pères de la tragédie française n’ont pas créé beaucoup de