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elle ne pourra pas tenir long-temps, il faudra bien qu’elle capitule par famine.

Les choses sont déjà fort avancées ; déjà l’on sait très-bien ce qu’on ne veut plus, si on ne sait pas encore ce qu’on veut. Le terrain est déblayé, il n’y a plus qu’à tracer les routes. C’est aux gens de l’art à éclairer et à guider le public. Mais les théories sont bien peu efficaces, quand les exemples ne s’y joignent pas. Quelques grands modèles de la nouvelle beauté tragique dont notre théâtre doit nécessairement s’enrichir, sous peine de mort, parleront plus haut que tous les raisonnemens, et c’est pourquoi la révolution dramatique ne saurait être mieux commencée que par la représentation des chefs-d’œuvre de Shakspeare traduits en vers français avec audace et fidélité.

Quoi ! dira-t-on, encore des imitations, jamais d’originalité ! — Nous répondrons d’abord que rien ne serait plus original et plus neuf pour le public, que la représentation naïve sur notre théâtre d’une grande tragédie de Shakspeare, avec toute la pompe d’une mise en scène soignée ; car les représentations anglaises où les trois quarts et demi des spectateurs n’entendent pas un mot, et les traductions en prose, privées de la magie du style et du jeu des acteurs, ne donnent du