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pas de nouveaux à cette hauteur, ils aiment mieux refaire ceux qui n’avaient pas été assez bien exécutés avant eux, du moins sur notre théâtre ; persuadés qu’ils sont que, dans les arts, c’est la manière neuve de traiter les sujets, bien plus que la nouveauté des sujets eux-mêmes, qu’il faut rechercher. Les grands musiciens refont souvent les partitions des opéras donnés par leurs devanciers ; Raphaël a refait trente fois les mêmes sujets, et quelle prodigieuse variété dans cette apparente monotonie ! Enfin, les poètes classiques de la Grèce reproduisaient sans cesse les mêmes fables sur leur théâtre ; tant il est vrai que l’exécution est presque tout en poésie comme en peinture. Sans doute, si tout est neuf et beau, sujet comme exécution, le mérite et la gloire sont portés à une puissance bien supérieure ; c’est ainsi qu’on est Sophocle ou Shakspeare ; mais quand on fait Iphigénie ou Phèdre, Œdipe ou Mérope, qui avaient déjà été mis vingt fois en scène depuis deux mille ans, on est encore Racine et Voltaire. Si ces magnifiques sujets n’étaient pas devenus de magnifiques tragédies sous la main de deux grands maîtres, nos poètes vivans devraient s’y exercer, jusqu’à ce qu’ils parvinssent à les naturaliser sur notre scène ; il n’y aurait pas de plus beaux triomphes contemporains.