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de lettres feignent de le craindre. Dans l’empire des arts, il y a un trône pour chaque génie : Voltaire n’a fait aucun tort à Corneille ni à Racine, il n’a tué que leurs imitateurs ; de même Shakspeare ne fera de mal qu’aux continuateurs de Voltaire. On peut donc être bien tranquille. Quant aux vieilles indignations nationales, à ces gothiques haines de l’étranger, à qui prétendrait-on imposer aujourd’hui avec toute cette patrioterie littéraire ? La France est trop forte et trop riche pour être jalouse et injuste. C’est une chose merveilleuse à voir que la promptitude avec laquelle s’est faite l’éducation du public ; il y a six ans, on recevait les acteurs anglais avec des hurlemens et des outrages !… Pourquoi le public ne voudrait-il pas voir Shakspeare au Théâtre-Français, comme il y a toujours vu, comme il y voit tous les jours, Sophocle, Euripide, Guillen de Castro, Maffey, Alfiéri, Schiller, etc., etc. ; comme il admire un tableau de Rubens et de Raphaël dans notre Musée ; comme il écoute les partitions de Mozart ou de Rossini à notre grand Opéra ? Quelle distinction puérile la sottise et la mauvaise foi chercheront-elles à établir entre des analogies si évidentes ?

Mais, nous dira-t-on, Phèdre, Iphigénie,