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et Massillon les oraisons funèbres de Bossuet : si on les laissait faire, ils regretteraient de bonne foi que les fables de La Fontaine n’aient pas été versifiées par Colardeau, et les comédies de Molière par Gresset ; parce que, de cette manière, la perfection du langage se trouverait, suivant eux, réunie à la supériorité des conceptions et des pensées. Comme si on pouvait séparer l’idée de l’expression dans un écrivain ; comme si la manière de concevoir n’était pas étroitement unie à la manière de rendre ; comme si le langage enfin n’était qu’une traduction de la pensée, faite à froid et après coup ! Ces prétendues combinaisons ne produiraient que des choses monstrueuses ou insipides. On corrige quelques détails dans son style, on ne le change pas. Autant d’hommes de talent, autant de styles. C’est le son de voix, c’est la physionomie, c’est le regard. On peut préférer un style à un autre, mais on ne peut contester qu’il y ait cent façons d’écrire très-bien. Il n’y a au contraire qu’une manière de très-mal écrire, c’est d’écrire comme tout le monde ; car il ne faut pas compter ceux qui ne savent pas écrire du tout.

Il en est de même de la versification. Beaucoup de personnes s’imaginent que, hors de la facture de Racine, il n’y a point de salut. La versifica-