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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/146

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MARIVAUX.

amitié respectueuse. La princesse, que rien ne décourage, feint d’accepter ce pis-aller.

Mais un coquetage d’amitié entre un homme et une femme est toujours le prélude inquiet d’un sentiment plus ardent. Cette inquiétude est délicieuse. On s’y abandonne sans prendre garde au péril. On s’endort dans ce délice. Et, un beau jour, on se réveille amoureux. C’est ce qui arrive aux deux héros du Triomphe de l’Amour. Cette comédie longuement mythologique et dont les péripéties sont d’une rare incohérence, s’achève en une analyse morale dont la finesse est exquise. Si l’action de cette pièce est languissante, le dialogue a une saveur dont il faut savourer la délicatesse. Il n’est pas jusqu’au philosophe qui, vers la fin de la pièce, ne devienne amusant, lorsque l’amour de ses deux jeunes gens l’induit en des scènes de jalousie et de regret. Ce marivaudage en trois actes semble être parfois un commentaire lointain de ce lai d’Aristote, dont tout le moyen âge s’est égayé si franchement, et où l’on voit le philosophe de Stagire, mené en bride et à coups de houssine par une jolie fille aux tresses blondes.

La morale de ces historiettes sentimentales et discrètement sensuelles est facile à déduire. Marivaux lui-même s’est diverti à la chanter en des couplets menus et grêles dont le refrain ressemble à une ritournelle de Pergolèse ou de Cimarosa :

Vous qui sans cesse à vos fillettes
Tenez de sévères discours (bis),
Mamans, de Terreur où vous êtes
Le dieu d’Amour se rit et se rira toujours (bis).