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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/145

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JEUNES FILLES.

affliger mon orgueil pour le révolter contre vous. Je ne vous dis point que je vous aime, afin que vous m’aimiez ; c’est afin que vous m’appreniez à ne plus vous aimer moi-même. Haïssez, méprisez l’amour, j’y consens ; mais faites que je vous ressemble. Enseignez-moi à vous ôter de mon cœur ; défendez-moi de l’attrait qui me porte vers vous. Je ne demande point d’être aimée, il est vrai, mais je désire de l’être ; ôtez-moi ce désir ; c’est contre vous-même que je vous implore. »

On a beau être professeur de philosophie et enseigner le mépris des passions, on ne peut se défendre d’un certain émoi, lorsqu’une belle fille, même habillée en garçon, vous lance à brûle-pourpoint ces déclarations délicatement incendiaires. Il n’y a pas de prud’homie qui tienne contre une attaque si savante. « Tout sauvage que je suis, soupire le bonhomme Hermocrate, j’ai des yeux et vous avez des charmes. »

Cependant, la princesse, à qui le philosophe, désormais troublé, a promis le secret, rencontre le jeune Agis qui la traite avec une camaraderie cordiale. Cette camaraderie se change bientôt en amitié. Léonide voudrait glisser, sur ce penchant, jusqu’à l’amour. Pour hâter ce mouvement, elle déclare son sexe à son ami, et invente une nouvelle fable. Elle se donne pour une fille malheureuse, nommée Aspasie, et que ses parents veulent marier avec quelqu’un qui ne lui plaît pas. « Ô Aspasie, répond le chaste jeune homme, votre sexe est dangereux ; mais les infortunés sont trop respectables. » Toutefois, il ne veut point dépasser les limites d’une