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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/152

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MARIVAUX.

moyen. Lorsqu’une femme souffre de malaise amoureux ou d’inquiétude morale, ou simplement de vapeurs malaisées à définir, il n’est pas rare qu’avant de trouver une consolation dans un nouvel amour, elle cherche un divertissement dans des occupations réputées plus sérieuses. Avant de se résoudre à reprendre un époux ou un amant, elle prend un professeur de philosophie. C’est justement ce que fait notre marquise. Elle se fait débiter des conférences, à domicile, par un savant en us, qui est aussi chargé de livres qu’une bibliothèque. Ce pédant, nommé Hortensius, lui explique, d’un ton nasillard, les belles-lettres, la morale et la métaphysique ; elle se sait gré de l’écouter sans bâiller. Une femme qui s’ennuie supporte volontiers d’être ennuyée par les discoureurs de métier. Cela l’empêche de songer à son mal.

Le hasard qui, chez Marivaux, est toujours le complice de l’amour, veut qu’un jeune chevalier, du plus rare mérite et de la plus séduisante beauté, vienne habiter tout contre la maison de cette jeune et inconsolable marquise. Ils peuvent même se rencontrer dans un jardin qui est commun à leurs deux logis. Mais ce chevalier est aussi triste que sa voisine est mélancolique. Une jeune fille, dont il était éperdument épris, et que lui refusait la rigueur d’un père barbare, vient de se faire nonne, afin de n’appartenir point à un autre que lui. Accablé par ce malheur, le chevalier a résolu de ne plus songer au mariage. Il se promène mélancoliquement dans une allée jonchée de feuilles mortes. L’ennui, la langueur, la désolation, le désespoir, avec un air