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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/153

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JEUNES FEMMES.

sauvage brochant sur le tout, voilà le noir tableau que représente actuellement son visage…. Quand il parle aux gens, c’est du ton d’un homme qui va rendre les derniers soupirs : ce sont des paroles qui traînent, qui vous engourdissent, qui ont un poison froid qui glace l’âme….

La communauté du jardin, jointe à la conformité de deux veuvages qui ne veulent pas être consolés, favorise les premières rencontres de ces deux affligés. Leur liaison commence par des entretiens funèbres. Il parle de sa chère Angélique, ensevelie au couvent, et désormais morte pour lui. Elle parle de son mari défunt. Peu à peu, leurs cœurs, qu’ils croyaient morts, se réveillent. Un intérêt naissant les rapproche l’un de l’autre, et donne à leurs entrevues un goût délicieux. Ils s’abandonnent à cette inclination, et veulent se persuader à eux-mêmes qu’ils sont tout simplement sur la pente de l’amitié. C’est une pente rapide, surtout lorsque l’ami et l’amie n’ont pas encore dépensé toute la jeunesse de leur cœur. Qu’il s’ajoute à cette amitié un grain de jalousie, une once de coquetterie, et quelque peu de dépit, voilà les amis animés l’un envers l’autre, ou l’un contre l’autre, par ces brusques ressentiments ou par ces vives sympathies, qui sont, suivant le cas, les signes évidents d’une autre passion. « Les amants, disait Duclos, sont comme les voleurs, ils prennent d’abord des précautions superflues ; ils les négligent par degrés ; ils oublient les nécessaires, et sont pris. » Et c’est précisément ce que prouve le chef-d’œuvre d’analyse que Marivaux intitule la Surprise de l’Amour. C’est ce que