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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/159

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LA PHILOSOPHIE DES SOUBRETTES.

maîtresse plus que je ne saurais vous le dire, et je suis désolée de voir qu’elle ne veut pas se consoler, qu’elle soupire et pleure toujours. N’entretenez point sa douleur ; tâchez même de la tirer de sa mélancolie… » Et la folle babille en ayant l’air de ne plus savoir ce qu’elle dit : « Je ne vous blâme pas ; vous vous êtes voué aux langueurs, vous avez fait vœu de mourir : c’est fort bien fait, cela édifiera le monde ; on parlera de vous dans l’histoire ; vous serez excellent à être cité, mais vous ne valez rien à être vu. Ayez donc la bonté de nous édifier de plus loin. »

Le chevalier a bien envie de se mettre en colère. Mais comment prendre au tragique une hilarité qui l’achemine vers sa guérison ?

On s’attarderait volontiers dans la compagnie de ces jolies filles, verdissantes, frétillantes, appétissantes, toujours émerillonnées, et si bonnes ! C’est un régal pour les yeux et un réconfort pour l’esprit. Elles sont, pour les amoureux en détresse, les fées propices qui raccommodent les brouilles, narguent les fâcheux destins, arrangent les malentendus, guérissent les plaies de la jalousie ou les piqûres du dépit, prêtent main-forte aux défaillances, finalement réconcilient et rapprochent les couples désunis par les erreurs du cœur ou séparés par les malices du sort. Préoccupées, avant tout, de cérémonies nuptiales, elles sont toujours prêtes à commander les violons ; elles ont toujours envie de fredonner ce gai refrain :

Préparons-nous à la fête nouvelle….