courroucé, l’involontaire battement des paupières, une rougeur étourdie, une espièglerie insolente, une nonchalance rêveuse, un accès de gaieté qui éclate dans le rire des lèvres rouges et des dents blanches, l’imprudence d’un regard, l’artifice d’une parure, la froideur d’un silence révèlent le dépit, l’estime, la passion, la coquetterie, la jalousie, le désir, la résistance, mieux que ne sauraient le faire les plus verbeux discours. C’est seulement chez Marivaux que l’on voit des aventures d’amour se nouer dans un dialogue muet. Voici, par exemple, comment une jeune fille raconte l’événement qui lia pour toujours sa destinée à celle d’un héros entrevu : « Son embarras me frappa, le mien l’intimida, parce qu’il le comprit ; une intelligence mutuelle nous donna la clef de nos cœurs ; nous nous dîmes que nous nous aimions avant d’avoir parlé, et nous en fûmes tous deux si étonnés, que nous nous hâtâmes de nous quitter, pour nous remettre… »
« Eh ! madame, dit Lelio à la comtesse, dans le deuxième acte de la Fausse Suivante, faites grâce à mon amour. »
Et la comtesse répond :
« Supportez donc mon ignorance ; je ne savais pas la différence qu’il y avait entre connaître et sentir. » À quoi Lelio répond : « Sentir, madame, c’est le style du cœur. »
Voilà le style préféré des héroïnes de Marivaux. Regardons-les. Elles se promènent dans des jardins avec des soupirants qui cueillent des fleurs ou avec des galants qui sautillent, rient et folâtrent. Ou bien elles sont assises en quelque salon orné de tru-