recourir pour réparer les brèches de sa fortune, mais comme une espèce de registre où il se plut à consigner quelques-unes de ses pensées personnelles et de ses impressions coutumières. Par là, ces deux « journaux » sont de précieux documents. Ils méritent de rester dans les bibliothèques d’autrefois, près des registres de l’avocat Barbier et des calepins de Mathieu Marais. Quelle que soit la forme que l’auteur donne à ses chroniques, qu’il les coupe en dialogues, les transpose en récits romanesques, les déguise en contes de fées ou les allonge en sermons de morale, on y surprend sans peine le secret de ses prédilections intimes, l’allure habituelle de ses pensées, et (pour tout dire en un mot dont il aimait à se servir) la confidence de sa « situation de cœur ».
Ce peintre de l’amour aimait à aimer. L’amitié qui l’unissait à quelques hommes n’était pas moins vive ni plus délicate que le sentiment d’une autre sorte qui le porta vers quelques femmes. On ne peut guère être dévoué à ses amis sans s’abuser sur leur mérite. Marivaux tomba souvent dans cette honorable erreur. Il était lié avec Houdart de Lamotte, qu’il avait rencontré chez la marquise de Lambert, dont il avait adopté très hardiment les paradoxes sur les Anciens et sur les Modernes, contre le docte et pesant Dacier. Il ne négligeait rien pour ménager à son ami, dans les feuilles du Spectateur, ce que l’argot du journalisme moderne appelle « une bonne réclame ». Il savait combien un éloge avait de prix aux yeux de ce susceptible Lamotte qui, un jour, ne pouvant supporter l’échec d’une comédie, alla se