jeter à la Trappe. Lorsqu’on joua, en 1722, Romulus, tragédie en cinq actes, de Lamotte, Marivaux écrivit ceci :
Je sortais il y a quelques jours de la Comédie, où j’étais allé voir jouer Romulus, qui m’avait charmé, et je disais en moi-même : on dit communément l’élégant Racine et le sublime Corneille ; quelle épithète donnera-t-on à cet homme-ci, je n’en sais rien ; mais il est beau de les avoir méritées toutes les deux.
Ailleurs, c’est un panégyrique d’Inès de Castro, tragédie du même Lamotte, représentée par les Français, en 1723, et qui fit courir tout Paris, grâce aux talents réunis d’Adrienne Lecouvreur, de la Duclos, de Dufresne et du vieux Baron.
Quand Marivaux cesse d’être gêné par le parti pris, et qu’il juge de sang-froid, il est capable d’écrire d’excellents morceaux de critique littéraire. Nul, à mon sens, n’a mieux parlé que lui des Lettres persanes :
Je ne puis m’empêcher de dire un mot d’un livre que je lisais ce matin, intitulé les Lettres persanes. Je n’en ai encore lu que quelques-unes, et par celles-là je juge que l’auteur est un homme de beaucoup d’esprit ; mais entre les sujets hardis qu’il se choisit, et sur lesquels il me paraît le plus briller, le sujet qui réussit le mieux à l’ingénieuse vivacité de ses idées, c’est celui de la religion et des choses qui ont rapport à elle. Je voudrais qu’un esprit aussi fin que le sien eût senti qu’il n’y a pas un si grand mérite à donner du joli et du neuf sur de pareilles matières, et que tout homme qui les traite avec quelque liberté peut s’y montrer spirituel à peu de frais. Non que parmi les choses sur lesquelles il se donne un peu carrière, il n’y en ait d’excellentes en tout sens et que même celles où il se joue le plus ne puissent recevoir une interprétation utile ; car enfin dans tout cela je ne vois qu’un homme d’esprit qui badine, mais qui ne songe pas assez qu’en se jouant il engage quelquefois un peu trop la gravité