personnes raisonnables. Il faut entretenir en eux cette espèce de fierté, et s’en servir comme d’un moyen pour les conduire où l’on veut. » Écoutons les doléances de sa jeune correspondante. Peut-être ont-elles découragé des parents tristes qui n’estimaient, chez leurs enfants, que les mines confites, les yeux baissés, les gestes révérencieux, et qui ne voulaient pas savoir comment on se dédommage, par derrière, de cette comédie du respect :
« Ma mère est extrêmement dévote, et veut que je le sois autant qu’elle, qui a cinquante ans passés ; n’a-t-elle pas tort ?… »
Cette jeune révoltée esquisse là-dessus un léger crayon de l’emploi du temps qui lui est imposé par la bigoterie maternelle : au lever, une heure d’oraison ; vêpres et compiles tous les dimanches et fêtes ; à six heures et demie, retraite dans le silence du cabinet, afin d’y faire une lecture pieuse. Aussitôt après, méditation sur cette lecture. Avant le coucher, lecture et oraison. Et la correspondante continue :
Pour moi, dans toutes ces oraisons-là, je paie de mine. Quand le hasard nous dérange, et que je suis ma maîtresse, je fais ma prière soir et matin d’aussi bon courage qu’on le puisse. Un Pater récité a ma liberté me profite plus que ne feraient dix années d’exercice avec ma mère. Vous parlerai-je toute fait franchement ? Nos heures d’exercice n’arrivent point, je n’entends sonner vêpres ou compiles, je ne vois point de livres pieux, que je ne sois saisie d’un ennui qui me fait peur. Avant-hier, j’étais seule dans la chambre de ma mère ; il entra un ecclésiastique, comme je ne songeais à rien. Je me trouvai presque mal en le voyant, seulement à cause de son habit, qui me rappelait mes fonctions dévotes.
Cette jeune fille est décidément une enfant ter-