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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/66

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MARIVAUX.

rible. Voici ce qu’elle avoue sur le chapitre de la coquetterie :

Si vous voyiez comme ma mère m’habille, au voile près vous me prendriez pour une religieuse. Encore, au voile près, je me trompe ; à l’égard de mon corset, il me va jusqu’au menton : il me sert de guimpe. Vous jugez bien qu’une âme de seize ans n’est pas à son aise sous ce petit attirail. Entre nous, je crains furieusement d’être coquette un jour. J’ai des émotions au moindre ruban que j’aperçois. Le cœur me bat dès qu’un joli garçon me regarde. Tout cela m’est si nouveau, je m’imagine tant de plaisir à être parée, à être aimée, à plaire que, si je n’avais le cœur bon, je haïrais ma mère de me causer comme cela des agitations pour des choses qui ne sont au fond que des bagatelles, et dont je ne me soucierais pas si je les avais. Persuadez-la, s’il vous plaît, de changer de manière à mon égard. Tenez, ce matin j’étais à ma fenêtre. Un jeune homme a paru prendre plaisir à me regarder. Cela n’a duré qu’une minute, et j’ai eu plus de coquetterie dans cette seule minute, qu’une fille dans le monde n’en aurait en six mois. Tâchez donc de faire voir les conséquences de cela à ma mère. Six heures et demie sonnent ; elle m’appelle déjà dans son cabinet. Je vais lire, ou plutôt je vais prononcer des mots ; je vais entrer dans ce triste cabinet que je ferai quelque jour abattre s’il plaît à Dieu ; car sa vue seule me donne une sécheresse (pour parler comme ma mère) qui m’empêcherait toute ma vie de prier Dieu, si je restais dans la maison. Ah ! que je m’ennuie !

Cette épître n’est pas mal tournée, et le bâillement final est d’une jolie invention. On sent, dans tout ce morceau, une main très experte à toucher les menus secrets des femmes. L’auteur a dû, au cours de sa carrière d’observateur, solliciter de tels aveux. On peut relever pourtant, çà et là, dans cette prose agile, coquette et qui veut être à peu près virginale, des traits trop appuyés, qui dénotent le sexe du rédacteur. Le plus habile écrivain, s’il veut pasticher le style des femmes, n’y réussit qu’à moitié. Il exagère les gentillesses et les mièvreries, et tombe, par là,