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MARIVAUX.

— Ah ! monsieur, répondit ce jeune homme, je suis si paresseux ! »

Marivaux le regarda en souriant, tira un écu de sa poche et le lui donna.

« Vous êtes bien magnifique dans vos aumônes », dit à notre auteur la dame au carrosse, qui survint en cet instant, et qui connaissait l’état des finances de Marivaux.

« Je n’ai pu, répondit-il, me refuser à récompenser un trait de sincérité, échappé à ce garçon. »

Il n’estimait en tout que la sincérité, et sa verve satirique n’a jamais poursuivi que le mensonge. « Les ridicules bien francs, disait-il, je ne leur dis mot, je les laisse là, ce serait battre à terre ; mais ces fourberies d’une âme vaine, ces singeries adroites et déliées, ces impostures si bien concertées qu’on ne sait presque par où les prendre pour les couvrir de l’opprobre qu’elles méritent, et qui mettent presque tout le monde de leur parti, oh ! que je les hais, que je les déteste ! »

Voici quelques actions où l’on sent moins l’homme de lettres en quête de documents humains. M. Larroumet les a rappelées avec raison. De toutes les preuves de désintéressement dont la vie de Marivaux est remplie, la plus forte est celle qu’il donna dans ses relations avec Voltaire.

L’auteur de la Pucelle n’était pas tendre, nous l’avons vu, pour l’auteur de la Surprise de l’Amour. Attaqué par cette mauvaise langue qui passait, avec une extraordinaire facilité, de l’épigramme la plus fine à la grossièreté la plus ordurière, Marivaux, dont la sensibilité était extrême, souffrait de ces