cruelles malices. Il ne s’en vengeait que par des propos sans fiel et non sans justesse, dont quelques-uns ont mérité de parvenir jusqu’à nous. « M. de Voltaire, disait-il, est la perfection des idées communes » ; ou bien : « M. de Voltaire est le premier homme du monde pour écrire ce que les autres ont pensé ». Ou bien encore ; « Ce coquin-là a un vice de plus que les autres ; il a quelquefois des vertus ». Mais il n’aimait pas les basses querelles, et les écrits de ce galant homme ne contiennent pas une injure à l’égard de ceux qui l’ont traité méchamment ou vilainement dans leurs libelles.
En 1735, les Lettres philosophiques de Voltaire furent condamnées par un arrêt du Parlement. Un libraire, voulant achalander sa boutique, crut faire une bonne opération commerciale en demandant à Marivaux, en échange d’une somme de cinq cents livres, une réfutation de ces Lettres philosophiques. Voltaire s’était réfugié au château de Cirey, en Lorraine, chez la marquise du Châtelet, et flaira le danger. Par une de ces volte-face dont il était coutumier lorsque son intérêt personnel était en jeu, il écrivit, en février 1736, à un certain M. Berger, marchand, intrigant, homme d’affaires et collectionneur, une lettre, qui n’était pas destinée, évidemment, à rester dans les poches du destinataire, et où Marivaux est traité de la plus obligeante façon. Écoutez ceci. On dirait un chat qui, pour se faire pardonner quelque impertinence, ronronne en faisant le gros dos et la patte de velours :
À l’égard de M. de Marivaux, je serais très fâché de compter parmi mes ennemis un homme de son caractère et dont j’es-