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Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/92

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MARIVAUX.

Ouf ! quel grimoire. Le délicat écrivain dut souffrir en écoutant ces phrases de procureur.

Ce contrat, religieusement observé de part et d’autre pendant six années, ne fut rompu que par la mort.

Il est malaisé de peindre un Marivaux vieilli, et l’esprit s’accoutume malaisément à cette image. Un de ses contemporains nous raconte qu’à soixante-quinze ans, il n’en paraissait guère plus de cinquante-huit. Il était propret, soigneux, « curieux, dit Collé, en linge et en habits ». Il est vrai qu’en ce temps-là, les hommes et les femmes avaient souvent plus d’âge que de vieillesse. La mode elle-même, les usages, l’arrangement du costume s’accordaient pour masquer ce qu’il y a de choquant dans le spectacle de la caducité. On était coquet par politesse. Tout homme bien né se croyait tenu d’arranger un peu sa personne avant de paraître en scène, c’est-à-dire avant de descendre dans la rue ou d’entrer dans un salon. À quatre-vingt-dix ans, Fontenelle était plus vif et plus sémillant que jamais. Le président Hénault, octogénaire, se faisait porter aux dîners de Mme Geoffrin, et ravissait tout le monde par sa gaîté.

George Sand raconte, dans ses Mémoires, que sa grand’mère, Mme Dupin de Francueil, lui rappelant les charmes du siècle défunt, lui disait lorsqu’elle était petite : « Est-ce qu’on était jamais vieux en ce temps-là ? C’est la Révolution qui a amené la vieillesse dans le monde. Votre grand-père, ma fille, a été beau, élégant, soigné, gracieux, parfumé, enjoué, aimable, affectueux et d’une humeur égale, jusqu’à