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Et, comme on fait des airs pour certains instrumens,
Pour elles ont réduit tout jusqu’aux sentimens !
Aussi, qu’en ce pays se rencontre une femme
Aimant comme on le doit, avec toute son âme,
Quelqu’un ou quelque chose, ou même simplement
La musique, la danse, un divertissement :
For shame ! dit le monde, ô femme inconséquente !
Et pour ces puritains c’est presqu’une bacchante !
Or, ces êtres moraux, indifférens, usés,
Traînant dans les salons leurs visages blâsés,
Ainsi que d’un grand vice, en leur hypocrisie,
Se gardant de l’amour et de la poésie,
N’est-il rien qui les touche et les remue au fond,
Et les montre à la fin sans masque et tels qu’ils sont ?…
Comme pour mettre au jour sa féroce nature
Le maître d’un lion lui jette sa pâture,
Qu’on leur jette de l’or, et vous les verrez tous,
Hommes, femmes, bondir, et d’un regard jaloux
Le couver, témoignant, par de longs cris de joie,
Que là tendait leur âme et que c’était sa proie,
Et ces yeux languissans et fermés à moitié
Vont s’ouvrir, et ces mains, froides à l’amitié,