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LA FILLE DU MARCHAND

Le second lui dit : « Quelle drôle d’idée as-tu de travailler comme cela, quand tu peux avoir une maison à toi et un bon mari ? Je t’épouserai, et nous vivrons confortables ensemble », dit-il, « à une seule petite condition ». « De quoi s’agit-il ? » dit-elle. Il mit sa main dans sa poche et en tira une bourse d’argent. « Regarde », dit-il à la fille, « Voici une bourse d’or et je te la donnerai, si tu peux me donner l’anneau de mariage qui est au doigt de ta maîtresse sans qu’elle s’en doute ». On dit que l’or fend la pierre. Il poussa la fille à faire la besogne. « Je ferai mon possible », dit-elle.

Au bout de quelques nuits, elle guetta jusqu’à ce qu’elle trouvât Marie la Blanche endormie, et elle se glissa tout doucement et subtilisa l’anneau de son doigt, et elle le cacha. Le matin, quand Marie se leva, il n’y avait pas trace de l’anneau à son doigt, et elle ne savait pas comment il était parti, ou comment elle l’avait perdu, mais elle fut désolée. Il n’y eut pas d’endroit où il lui semblait qu’il eût dû être qu’elle ne fouillât, mais elle ne le trouva pas, et cela lui aurait été difficile. Elle était désolée et tourmentée, car elle savait que son mari ne lui en saurait pas bon gré quand il découvrirait qu’elle avait perdu l’anneau.

Le temps passait, et elle était bien loin de soupçonner que c’était sa fille de chambre qui avait volé l’anneau. Six mois maintenant était passés mais le capitaine n’était pas encore revenu. Il lui était né un fils, et c’est elle qui était fière et heureuse d’être elle-même et son enfant en bonne santé, quand lui reviendrait.

C’était bien et ce n’était pas mal. Le capitaine revint, et, quand il entra au port, ce bandit de second s’avisa de mettre l’anneau à son propre doigt. Quand le capitaine débarqua, il trouva le second l’attendant. Celui-ci lui tendit la main, pour qu’il la serre, mais que vit alors le capitaine ? L’anneau de mariage de sa propre femme à son doigt. Il s’arrêta, mais peu s’en fallut qu’il ne tombât de son haut. « Qu’avez-vous, monsieur? » dit le second. « Où as-tu trouvé cet anneau à ton doigt? », dit le capitaine. « Oh, Monsieur », dit le second « ne m’avez-vous pas parié votre navire que votre femme vous était fidèle? Voici la preuve que je vous ai fait cocu ». Le capitaine fut envahi d’un flot de rage, mais il ne fit semblant de rien.