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CH. IX, DESCRIPTION GÉNÉRALE

tueuses, résultat d’une civilisation perfectionnée, ils n’apercevraient plus que de misérables cabanes, bâties sans art. Ils verraient l’habitation des rois transformée en repaire d’animaux sauvages, et le chacal, poursuivi dans les retraites qu’il y a choisies, se montrer tout-à- coup au sommet le plus élevé des ruines. Ils verraient les sanctuaires des temples, devenus le réduit de reptiles immondes et de ces animaux hideux qui ne se plaisent que dans l’obscurité d’une profonde nuit. Ils verraient les palais transformés en sentines publiques, les champs stériles et abandonnés, et l’habitant stupide mettant toutes ses jouissances à amasser un peu d’or, qu’il cherche souvent en vain à dérober aux agens d’un gouvernement barbare et tyrannique.

Élevé sur cette montagne qui domine tout l’horizon, et planant, pour ainsi dire, au-dessus de la terre, avec quels sentimens désintéressés on juge les révolutions et le cours des choses humaines ! Que sert à une cité d’avoir été riche et puissante, d’avoir soumis le monde à l’influence de ses idées religieuses, d’avoir rendu tributaires de son commerce les plus riches pays de l’univers ? Que lui sert d’avoir posé les premiers principes de la civilisation, d’avoir porté dans les pays les plus éloignés la gloire de ses armes, d’avoir cultivé les sciences et les arts avec éclat, si tout cela ne peut la sauver de la destruction, si la barbarie et la brutalité doivent succéder à l’influence bienfaisante d’un gouvernement protecteur, si de tant de merveilles il ne doit plus rester que des souvenirs qui s’effaceront peut-être un jour des traditions humaines ? Heureux pourtant, entre tous les autres,