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la traversée du lac

Un gars montait au chantier… « Eh ! le vieux, qu’il me hèle, il y a place encore. »

Je m’enfonce dans son paquetage…

Marche, La Grise !… c’était un gros blond.

— « L’homme ? » demande Théodule, l’enfant terrible.

— Le cheval. Ça n’y fait rien… Marche, La Grise ! pareil.

On marche.

Et puis, j’aperçois l’eau… « Vinguienne ! que je me dis : ce lac… c’est pas la mer à boire ! » Il y avait là des hommes, des voitures, des canots : un portage en règle pour le grand magasin des Price…

Une « jeunesse » de Chicoutimi, morfondue, — ça tient pas bien longtemps, ce monde des villes — me vend son canot, sur un ordre pour mon garçon Hector, du troisième rang. Il est en moyens, le bougre, plus que le bonhomme !… et bonsoir, la compagnie ! J’embarque et je traverse… c’est comme si je voyais des pistes sur les vagues… j’arrive droit sur l’entrée de la rivière…

Puis, là, je commence ma vie.

Une cabane de branches : petitement, les enfants, pour durer longtemps. Je tue l’orignal, je poigne l’ours au piège, je prends le poisson dans des rets ou des trous de glace. L’Anglais du magasin me compte ma chasse et ma pêche en provisions, en