Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
le p’tit gars du colon

butin d’habillement, en planches, en gréement pour ma maison.

Là… mes petits : c’est le bonheur.

J’ai pas de chicanes avec personne ; je prie le bon Dieu ; j’ai mon chapelet ; je gagne mon existence ; j’ai le grand air du lac… des milles et des milles de bois où je suis le maître. Et quand je mourrai, je me figure : saint Pierre, il me dira : « Toi, le vieux, viens ici dans mon paradis… conte-nous des aventures. »

— « Pour le sûr, saint Pierre, que je répondrai, que j’entre… » Croyez-vous, les enfants, c’est une bonne place, le paradis, pour y finir ses jours d’éternité !

Il rit, bourre son brûlot, lance une fumée de cheminée…

∗∗∗

L’esquif est reparti.

Ce n’est plus autant la haute mer. Toujours, sur la droite, plus proche ou plus en recul, le rivage… monotone peut-être, quand la course est longue… du sable, des épinettes, des ondulations, des marécages de haut foin bleu d’où s’envolent de lourds oiseaux, d’où partent les appels d’animaux invisibles. Et c’est mieux que l’immensité morne des grandes eaux pour ceux qui n’ont jamais connu que la bonne terre tant plus vivante.