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le p’tit gars du colon

— Tais-toi, François : je ne veux pas, moi, disait Aimé.

— Ni moi.

— Ni moi.

— Ni moi…

La dernière protestation venait du petit Eugène, répétant le mot de ses trois frères, sans le saisir, mais par sympathie, par le secret ressort du cœur défendant un amour en péril.

Ils avaient dû vouloir, sans que le père eût permis une parole.

C’était bâclé. Marché fini. Ces deux mots leur torturaient l’âme.

L’on s’en irait dans huit jours, le trois de janvier. L’homme, son garçon et sa famille s’installeraient sur la ferme neuve des Gaudreau.

— Pourquoi partons-nous ?

— Papa, l’on va dans quelle place ?

— On emporte nos bêtes ?

— Et nos meubles ?

— C’est pour toujours, papa ?

Les questions timides, angoissantes, bientôt noyées de larmes, restaient sans réponse. Ou simplement, le père se défendant mal lui-même d’une soudaine horreur, leur criait presque dans son effroi :