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Page:Desjardins - Esquisses et Impressions, 1889.djvu/92

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Il y a, dans le choix des héritiers académiques, une sorte de convenance qu’on observe surtout pour la succession des hommes très illustres. Par déférence envers leur ombre, on les remplace comme ils auraient aimé à l’être (si tant est qu’on aime jamais cela). Quand Corneille mourut, l’Académie donna son fauteuil à son frère Thomas ; Victor Hugo ne laissant pas d’autre frère cadet, on a nommé M. Leconte de Lisle. C’est une élection qui honore la compagnie. Sans être un poète impeccable et original comme il le croit, M. Leconte de Lisle a écrit quelques-uns des plus beaux vers que je connaisse. Est-il rien de plus achevé, par exemple, et de plus exquis que ceux-ci, dont M. Dumas vient de rafraîchir en moi le souvenir ?


Parfois, hors des fourrés, les oreilles ouvertes,
L’œil au guet, le col droit et la rosée au flanc,
Un cabri voyageur, en quelques bonds alertes,
Vient boire aux cavités pleines de feuilles vertes.
Les quatre pieds posés sur un caillou tremblant.


La caresse, impossible à analyser, d’une image brillante dans un vers très harmonieux se rencontre à chaque instant dans les trois livres de Poèmes :


L’aile du vent joyeux porte l’odeur des roses
Au vieux Liban trempé des larmes de la nuit.


N’est-ce pas une fête pour l’oreille et l’imagination ? Certains poèmes sont merveilleux d’un bout à l’autre : la Ravine Saint-Gilles, la Fontaine aux lianes, Hiérony-