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Page:Desjardins - Esquisses et Impressions, 1889.djvu/93

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mus, et surtout l’Illusion suprême, qui n’est inférieure à rien et où le poète a mis toute sa philosophie avec tout son art du rythme.

Oui ; mais M. Leconte de Lisle s’assoit à la place de Victor Hugo : c’est là un honneur terrible ; un successeur de Hugo, quel qu’il soit, fait toujours un peu l’effet de Louis le Débonnaire. L’éloge qu’il faut prononcer est surtout décourageant, le prosternement étant presque obligé, et la dignité devant être sauve. On attendait M. Leconte de Lisle à ce discours. D’abord, on se demandait s’il ne le ferait pas en vers, comme autrefois Crébillon, dans l’inexpérience qu’on lui supposait de la prose et du maniement des idées. Puis on voulait savoir s’il se résignerait à être de l’avis de tout le monde sur le génie de son prédécesseur, s’il reconnaîtrait sa maîtrise et s’humilierait un peu devant lui. Il me semble que j’aurais conçu cet embarrassant discours sur le thème suivant : « Messieurs, je viens de relire Victor Hugo : décidément il est bien plus fort que moi » ; j’aurais dit la chose en bon français, avec le moins d’adjectifs possible : après quoi, je me serais assis. Il n’y a pas beaucoup de profondeur là-dedans, mais il y a quelque bonne grâce et même une certaine éloquence.

M. Leconte de Lisle a dit autre chose, avec plus d’éloquence encore, mais peut-être moins de bonne grâce. C’est un récipiendaire de soixante-huit ans, qui est entré à l’Académie presque de force, malgré tout le monde et malgré lui-même. Il l’a fait sentir. L’accent de son discours a quelque chose de hautain