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rattache… aux dogmes arbitraires des religions révélées », dit M. Leconte de Lisle avec un respectueux haussement d’épaules. Quant à lui, il ne se rattache à rien ni à personne, si ce n’est peut-être à Lucrèce et, pour remonter plus haut, à Prométhée.

Vue d’une telle hauteur de négation, la littérature n’est plus qu’un passe-temps de condamné ; c’est « tresser de la paille dans sa prison », comme dit de Vigny. Pourtant ce jeu intéresse M. Leconte de Lisle. Il a sur son art des vues très nettes et que je trouve très belles, sinon très justes toujours. Il oppose la poésie au didactisme rimé, ce qui est une injure au xviie siècle ; mais il appelle ce même siècle « l’époque organique de notre littérature », ce qui est une intuition merveilleuse et un grand éloge. Supprimer, comme il le fait, la poésie française de Ronsard à Victor Hugo paraît, au premier aspect, monstrueux ; au second, enfantin ; mais on s’aperçoit, au troisième, que ce n’est qu’une affaire de définition. En revanche, il dit avec un dédain qui a grand air et qui sonne juste : « … Si nous admettons volontiers en France, pour articles de foi et sans trop nous inquiéter de ce qu’ils signifient, certains apophtegmes, décisifs en raison même de leur banalité, tels que : « La poésie est un cri du cœur ; le génie réside tout entier dans le cœur (ceci s’adresse à Musset), nous oublions plus volontiers encore que l’usage professionnel et immodéré des larmes oflense la pudeur des sentiments les plus sacrés. » Et ailleurs : « Les sentiments tendres, les délicatesses, même subtiles, acquièrent, en passant