Page:Desjardins - Esquisses et Impressions, 1889.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par une âme forte, leur expression définitive : et c’est pour cela que la sublimité des poètes virils est la seule vraie. » Ce n’est pas, on le reconnaît, l’apologie de Hugo seulement que M. Leconte de Lisle fait ici. Comme il arrive toujours, sa poétique n’est qu’une définition de sa poésie. Par là elle est un peu courte ; par là aussi elle est compacte, vivante, digne d’étude et de respect.

Tel est ce discours d’un poète, sobre, abstrait, sans vives images et presque sans couleur, dépourvu de récits, d’anecdotes et de toutes complaisances pour le public. Tel est ce poète lui-même, altier, intraitable comme un barbare, inébranlable comme le dieu Terme, médiocre penseur, détestable académicien et grand artiste.


Qui devait répondre à M. Leconte de Lisle ? Le hasard des dates et l’usage désignaient M. Maxime du Camp ; mais devant un sujet de pure littérature, l’excellent polygraphe se récusa. Puis on voulait un orateur illustre pour soutenir devant le grand nom de Hugo le prestige de l’Académie. On s’adressa à M. Augier : M. Augier avait déjà risqué un petit discours sous l’Arc de Triomphe ; il refusa net. On pensa à M. Jules Simon : M. Jules Simon était le secrétaire d’une autre Académie ; on aurait eu l’air d’emprunter le secours d’un voisin ; d’ailleurs M. Simon avait été trop l’ami de Hugo pour parler de lui avec le détachement qu’on souhaitait. On eut l’idée de M. Renan :