Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/227

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Vient en pleurs, et me dit de sa divine bouche.
Ah ! Courtois chevalier, que la pitié te touche.
Pardonne aux vains transports de ce royal enfant.
Son corps de mon épée aussi-tost le deffend.
Je regarde estonné cette merveille rare :
Et cependant le prince, à luy mesme barbare,
Conçoit contre sa vie un furieux dessein :
Se jette sur mon fer, et s’en perce le sein.
Il faut, dit-il ; qu’un coup de mes maux me délivre.
Adieu, ma chere sœur ; je ne sçaurois plus vivre.
Il chancelle : il paslit : il tombe entre les morts.
Sa sœur, en s’écriant, se jette sur son corps :
De plaintes et de pleurs veut rappeller son ame :
Perd l’espoir et la voix ; puis de douleur se pasme.
Je demeure immobile, outré de déplaisir.
Une sensible horreur soudain me vient saisir.
Par le malheur des deux, je me voy miserable,
Et du trépas du prince, innocent et coupable.
D’un carnage sanglant je suis environné.
D’un tendre et triste effroy mon cœur est estonné.
Et ce royal navire est le seul de la flote,
Où le fer n’a laissé ny soldat, ny pilote.
Cependant un orage à tous serre les cœurs ;
Et glace également et vaincus et vainqueurs.
Chaque nef craint le choc : de son gré se disperse :
Puis prend, au gré des vents, une route diverse,