Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/228

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En Espagne, en Sicile, aux Getuliques bords.
Sans voix, sans mouvement, prés de ces deux beaux corps,
Je suis presque seul vif parmy tant de morts blesmes.
Le rivage, plus craint que les tempestes mesmes,
Paroist ; et les saxons courent d’un pas hastif ;
Puis en foule, d’un saut se lancent dans l’esquif.
Mon trouble me deffend d’imiter leur vistesse.
Je ne puis éloigner la divine princesse.
Elle s’éveille au bruit des foudres éclatans :
Et sa morte douleur revit en mesme temps.
La nef, que le seul vent insolemment maistrise,
S’emporte vers la rade, et s’ensable, et se brise.
La proüe est sous les eaux, et la pouppe est dehors.
Permettez qu’en nageant je vous porte à ces bords ;
Dis-je à la triste sœur. Allons ; le temps nous presse.
Mes pieds sentent dé-ja que la pouppe s’abbaisse.
Elle embrasse son frere ; et ne peut le quitter.
Elle pleure ; et ma voix ne fait que l’irriter.
A souffrir mon secours enfin elle s’engage,
Si je mets le corps mort le premier au rivage.
De cordes je l’attache ; et le jette dans l’eau.
Je me jette à l’instant hors du triste vaisseau :
Et sur le sable sec, en nageant, je l’attire.
La mer, en mesme temps, engloutit le navire.
J’apperçoy la princesse à la mercy des flots,
Qui de ses belles mains, sans espoir, sans repos,