Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/229

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Embrasse un mast flotant, mais foible et perissante.
Je sens mon cœur attaint d’une douleur perçante.
Je me relance en mer ; nage vers le beau corps ;
Et de bras, et de pieds, l’ameine sur les bords.
Soudain lasse du flot, sur l’herbe elle se couche.
Triste elle me regarde ; et de sa belle bouche,
Dit, apres un soûpir, d’un visage blesmy ;
Ah ! Te diray-je amy ? Te diray-je ennemy ?
Helas ! Doy-je de toy me loüer ou me plaindre ?
Cruels ressentimens, pourray-je vous contraindre ?
Puis-je, ô ! Rares faveurs, ne vous ressentir pas ?
Je sçay que le seul sort à causé son trépas ;
Que ton bras fut surpris ; et n’en est point coupable :
Et que de deux grands biens je te suis redevable,
De voir mes jours sauvez de la fureur de l’eau ;
Et de pouvoir poser mon cher frere au tombeau.
Mais rien ne peut payer la perte que j’endure ;
Et l’on ne sent nul bien, tant que la douleur dure.
Je me sens si confus, si touché de ses pleurs,
De sa rare beauté, de ses vives douleurs,
Qu’un seul mot n’a pouvoir de sortir de ma bouche.
Trois hommes noirs, armez, et d’un regard farouche,
S’avancent à grands pas : nouveau trouble du sort !
Ah ! Dit-elle, guerrier, ah ! Donne moy la mort,
Qui me sauve des bras de cette infame bande.
Pour comble de faveurs, mon cœur te la demande.