Page:Desmarets - Clovis ou la France Chrétienne.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vous m’imposez, dit-il, une trop dure loy.
Dois-je pour vous servir, abandonner mon roy ?
Puis-je pas accorder son service et le vostre,
Si mon honneur s’accorde à servir l’un et l’autre ?
Mais je puis aussi peu vous servir sans honneur,
Comme il n’est pas en moy de vous aimer sans cœur.
Voulez vous que de l’un sans l’autre je dispose,
Si l’honneur et le cœur sont une mesme chose.
Qui peut perdre l’honneur, au gré de ses souhaits,
Ne peut donner le cœur, car il n’en eut jamais.
Voudriez vous pour amant un rebelle à son maistre,
Taché des noms honteux et d’ingrat et de traistre ?
Et si j’estois jamais infidelle à mon roy,
Quelle fidelité pretendriez vous de moy ?
Vous vous trompez vous mesme, en éprouvant ma flame.
Vous éprouvez plustost la vertu de mon ame.
Vostre langue s’abuse, et dément vostre cœur.
Esprouvez mon amour, et non pas mon honneur.
Yoland fait paroistre une fureur traistresse ;
Et s’armant d’un regard de colere et d’addresse,
Perfide à moy, dit-elle, et fidele à ton roy,
M’engageant à t’aimer, qu’as-tu voulu de moy ?
Ton ame contre moy pour luy seul affermie,
Veut triompher de moy, qui suis son ennemie ?
Son fer faillit deux fois à me priver du jour :
Pour luy, tu veux encor me vaincre par l’amour ?