Page:Desnoiresterres - La jeunesse de Voltaire.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


X

SÉJOUR EN ANGLETERRE. — VOLTAIRE ET LA SOCIÉTÉ ANGLAISE.

Les circonstances qui contraignaient Voltaire à chercher un refuge chez nos voisins devaient lui inspirer une grande sympathie pour des institutions où il n’y avait nulle place à l’arbitraire. « La raison est libre ici et n’y connaît point de contrainte. » On y respire un air plus généreux, l’on se sent au milieu de citoyens qui n’ont pas tort de porter le front haut, de marcher fièrement, sûrs qu’on n’eut pu toucher à un seul cheveu de leur tête, et n’ayant à redouter ni lettres de cachet, ni captivité immotivée. La première impression fut magique. Tout se prêta d’ailleurs au charme du mirage, et, dans la suite, l’exilé eut lieu de constater que la nature comme la population semblait avoir pris des airs de fête pour saluer sa venue.

Lorsque je débarquai auprès de Londres, c’était dans le milieu du printemps ; le ciel était sans nuages, comme dans les plus beaux jours du midi de la France ; l’air était rafraîchi par un doux vent d’occident, qui augmentait la sérénité de la nature, et disposait les esprits à la joie : tant nous sommes machines et tant nos âmes dépendent de l’action des corps ! Je m’arrêtai près de Greenwich, sur les bords de la Tamise. Cette belle rivière, qui ne déborde jamais, et dont les rivages sont