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MM. D’ARGENSON CHEZ LES JÉSUITES.

mandat dont leur père l’avait chargé sans y trop regarder ; et ce fut lorsqu’on s’aperçut de l’impossibilité de le laisser près d’eux davantage qu’on songea à Louis-le-Grand. « J’en eus grande honte, » ajoute le futur ministre des affaires étrangères. Et il y avait bien de quoi : M. d’Argenson y était encore que le petit duc de Fronsac qui avait deux ans de moins que lui[1], épousait mademoiselle de Noailles, et se faisait mettre à la Bastille pour avoir serré de trop près la duchesse de Bourgogne. La conséquence de toute position fausse est de rendre susceptible et farouche ; du plus loin qu’il apercevait un ancien ami ou quelques belles dames de sa connaissance, il se sauvait pour n’avoir pas à rougir. « Quelque temps après que je fus au collège, dit-il encore, celui-ci (le prince de Soubise) vint à une petite tragédie jouée par des enfants dont il étoit parent, et moi j’étais dans l’amphithéâtre, avec ma robe et ma toque, sur un banc de bois : il m’avisa ; je lui tournai le dos[2]. »

Les choses avaient été tout autrement pour le jeune Arouet ; entré de bonne heure aux Jésuites, il était naturel qu’il y demeurât jusqu’au complément de ses études, et le moment où les deux survenants se voyaient si tardivement séquestrés entre les quatre murailles d’un collège, était celui où ses petits vers lui ouvraient les portes de la plus illustre société. Arouet se lia avec l’un et l’autre, et resta leur ami. Le marquis, qu’il appelle « mon protecteur, mon ancien cama-

  1. Richelieu était né le 5 avril 1696. Il avait alors quinze ans.
  2. Marquis d’Argenson, Mémoires (Jannet), t. I, p. 183, 185.