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LE GOUZ ET FYOT DE LA MARCHE.

moins chaud ami, moins ami sincère avec tous. D’Argental sera pour lui plus qu’un frère. Et Cideville ! Quelle tendresse caressante et inépuisable pour cet aimable et spirituel magistrat, avec lequel il eût voulu passer sa vie, et que les circonstances tinrent constamment éloigné de lui !

Ce ne sont pas là ses seuls camarades. Aux diverses étapes de sa vie il en rencontra plus d’un sur sa route, et toujours avec une joie véritable. Le Gouz de Guerland[1] avait été son camarade à Louis-le-Grand, ainsi que cet autre Bourguignon, Fyot de la Marche, premier président du parlement de Dijon[2], avec qui il échangeait, du collège, des lettres charmantes, pleines de gaieté, de sel, d’espièglerie, et aussi d’une amitié à laquelle se mêle presque le respect. Ceux-là n’ont pas à se plaindre du sort. Mais, parfois, le spectacle change ; apparaît sur le seuil de la porte une figure en linge sale, un menton de galoche, une barbe de quatre doigts : c’est le camarade Le Coq, qui traîne sa misère de ville en ville. Et Voltaire de s’attendrir, et sans doute de venir en aide au malheureux, bien qu’il ne le dise point[3]. Son affection ne semble pas moins grande pour ses maîtres que pour ses condisciples. Tous ces souvenirs du collège restent, à

  1. Voltaire et le président de Brosses (Didier 1858), p. 192. Le Gouz de Guerland était né à Dijon en 1695.
  2. Voltaire à Ferney (Didier, 1860), p. 516, 517. Appendice de la 2e édition. Lettre de Voltaire à M. de la Marche ; Ferney, le 3 mars 1766. Ces lettres de Voltaire au premier président, assurément très-curieuses, sont dans les mains d’un magistrat, M. Henri Beaune, que nous ne saurions trop engager à les publier prochainement.
  3. Voltaire, Œuvres complètes (Beuchot), t. LIV, p. 406. Lettre de Voltaire à Cideville ; Bruxelles, ce 28 octobre 1741.